Les Ex-PCF

Le plus grand parti de France

Robert Linhart (né à Nice (Alpes-Maritimes) le 30 avril 1944), entre en 1959 au lycée Louis-Le-Grand et suit les classes prépa (une hypokhâgne et deux khâgnes).

 
 

Enseignant - Chercheur

Exclu du PCF en 1966

Les parents de Robert Linhart, tous deux originaires de Pologne, arrivent en France à la fin des années 1930. Pendant la guerre, ses parents se réfugient dans les montagnes des Alpes, hébergés par une famille de Justes, et sa mère accouche à Nice, avec l’aide d’une sage femme pétainiste.

Robert Linhart intègre l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, à l’automne 1963. Il y rencontre Louis Althusser (1918-1990), véritable révélation pour lui et qui devient rapidement son père spirituel. Linhart devient l’un des étudiants préférés de Althusser. Il se lie aussi d’amitié avec Hélène Rytmann, épouse du philosophe.

À cette époque, il est influencé par Jose Caballero, un des pionniers du maoïsme, et Charles Bettelheim (économiste et historien). Vers 1960 ou 1961, dans le contexte de la guerre d’Algérie, il milite au Front universitaire antifasciste (FUA).

Linhart se lance dans la recherche en sciences sociales. Il rédige un mémoire de DEA sur N. Boukharine dirigé par R. Aron. Linhart prépare ensuite un doctorat de troisième cycle Lénine Taylor et les paysans, sous la direction du philosophe François Châtelet, professeur à l’Université de Vincennes. Il devient maître assistant puis maître de conférences. Il fait toute sa carrière professionnelle au sein du Département de philosophie de l’Université Paris VIII, jusqu’à sa retraite en 2009.

Sa relation avec Althusser entraîne l’adhésion de Linhart à l’Union des étudiants communistes (UEC).

Prochinois et très critique à l'égard du «révisionnisme» du PCF, il est exclu de l'UEC et fonde en décembre 1966 (avec une trentaine de Ulmards), l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJCml). Le but de UJCml :  « … mener une lutte idéologique intransigeante contre l'idéologie bourgeoise et son complice révisionniste, contre l'idéologie petite-bourgeoise, particulièrement l'idéologie pacifiste, humaniste et spiritualiste… Elle doit créer une université rouge qui pourra se mettre au service des ouvriers avancés, de tous les éléments révolutionnaires. »

En août 1967, à l’invitation du Parti communiste chinois, Linhart conduit une délégation en Chine, de l’UJCml.

Quand éclate Mai 1968, Linhart exprime une profonde défiance pour les manifestations qui se déroulent au Quartier latin. Il y voit un «complot social démocrate». Interdiction est faite par l’UJCml elle-même, à ses propres militants de participer aux manifestations.

Le 10 mai, Linhart, victime d’importants troubles psychiques, est interné et plongé dans une «cure de sommeil».

Après l’été 1968, l’UJCml éclate en plusieurs groupes. Benny Lévy crée une nouvelle organisation, sur les décombres de l’UJCml, la Gauche prolétarienne (GP). Ceux qui ne participent pas à la fondation de la GP, adhérent au PCMLF, l’autre pôle « marxiste-léniniste. Linhart rejoint la Gauche prolétarienne.

A l’été 1968, Linhart se fait embaucher pour quelques mois, dans les usines Citroën de la Porte de Choisy. L’Établi, paru en 1978, raconte cette plongée en usine pendant onze mois (jusqu’en juillet 1969, date de son licenciement). Le succès de cet ouvrage, publié une décennie après la plongée en milieu ouvrier qu’il relate, repose avant tout sur une saisissante description du travail taylorisé et des modes de gestions de la main d’œuvre, alors à l’honneur dans l’industrie automobile, paradigme du fordisme. L’ouvrage est un classique souvent étudié dans les départements de sociologie de l’université, mais aussi dans les lycées, quelques-unes de ses bonnes pages figurent dans les manuels de sciences économiques et sociales.

En janvier 1971, la GP entend se doter d’un  organe officiel, J’accuse, un journal qui serait un peu différent de la Cause du Peuple. La direction de l’hebdomadaire est confiée au tandem  A. Gluksmann - Linhart, entourés d’un groupe d’intellectuels (J.-P. Sartre…) et de journalistes en vue. L’expérience ne dure pas : dès le mois de mai 1972, Benny Lévy impose non sans difficultés, une fusion entre La Cause du peuple, mieux contrôlée par la GP, et J’accuse. Et peut-être aussi, parce que Benny Lévy pense que J’accuse permet à Linhart de reprendre de l’influence dans la GP.

À partir de décembre 1971, les révoltes des prisons, notamment en Lorraine, à commencer par celle de Toul le 5 décembre 1971, sont l’occasion de nouvelles luttes intestines à la GP. Faut-il en parler et en quels termes ? Linhart propose de s’éloigner d’un étroit ouvriérisme et de faire une place aux questions de société. Contre vent et marées, il publie un numéro de La Cause du peuple-J’accuse sur la vie carcérale. Mais sa santé psychique est encore fragile et il entre en clinique.

Le 16 novembre 1980, dans un accès de démence, L. Althusser étrangle sa femme. Le 23 janvier 1981, un non lieu est prononcé par la Justice. Ce non lieu, il le doit à son état psychiatrique mais aussi à la mobilisation de ses proches et notamment de Linhart qui se jette de toutes ses forces dans ce combat.

Mais l’événement le marque profondément. Au printemps 1981, Linhart tente de se suicider. Lorsqu’il se réveille d’un long coma, il plonge dans un quasi silence de vingt-cinq ans.

Sa fille Virginie raconte dans Le jour où mon père, ce long mutisme. Elle révèle aussi la véritable résurrection que son père a connue à la suite d’une anesthésie générale nécessaire à l’opération de son bras après une mauvaise chute devant sa bibliothèque.

 

Sources

Robert Linhart – Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Marnix Dressen

Robert Linhart - Wikipédia

Génération, Les années de poudre, Paris, éd. Seuil, 1988

Le jour où mon père s’est tu, Virginie Linhart, Paris, Éditions du Seuil, 2008.

Publications

Lénine, les paysans, Taylor, Paris, Le Seuil, 1976, 2010

L’Établi, Paris, Minuit, 1978

Le sucre et la faim : enquêtes dans les régions sucrières du Nord-est brésilien, Paris, Éditions de Minuit, 1981.

Liens

Robert Linhart – Invité de Hors champs – France Culture, 01/02/2011.