Les Ex-PCF

Le plus grand parti de France

Maurice Godelier (né à Cambrai (Nord) le 28 février 1934), d’un milieu très modeste et catholique, fait ses études dans un collègue privé et obtient après le baccalauréat, une bourse afin de poursuivre des études en hypokhâgne, au Lycée Faidherbe de Lille.

Il entre à l’École Normale Supérieure (ENS) de Saint Cloud (classé premier) en 1955, puis s’engage dans des études de philosophie. Il obtient simultanément les licences de psychologie et de lettres modernes. Reçu à l’agrégation de philosophie en 1958, il obtient une année supplémentaire de scolarité à l’ENS pour continuer des études d’économie.

Il adhère au PCF en 1952 et le quitte en 1968, suite à l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie.

Il découvre avec intérêt les travaux de Karl Polyani et s’engage dans une lecture complète du Capital. De 1959 à 1960, il suit le séminaire d’Edmond Malinvaud au Centre d’études et de programmation économique. Il participe également au séminaire de Charles Bettelheim, dont les travaux s’inscrivent dans le cadre d’une réflexion sur la planification et le développement dans le «Tiers-Monde».

Godelier publie en 1960 et 1961, trois articles sur Les structures de la méthode du Capital (I, II, III) dans la revue du PCF, Économie et politique.

En 1960, il est recruté comme assistant par Fernand Braudel. Intéressé par un dialogue avec les autres sciences sociales, le théoricien du « temps long » et des phénomènes de civilisation, place au cœur de son questionnement l’économie comme base de la société. Cette période est entrecoupée par deux années de service militaire accompli en France pendant la guerre d’Algérie.

Godelier part en mission pour l’UNESCO au Mali, alors engagé dans la voie du « socialisme africain », afin d’étudier les effets de la planification sur les économies des communautés villageoises. Il en revient avec la conviction d’un nécessaire développement sur le plan théorique de l’anthropologie économique.

En 1963, il est nommé maître-assistant auprès de Claude Lévi-Strauss qui a fondé le Laboratoire d’anthropologie sociale.

Dans un article publié dans L’Homme en 1965, il propose l’étude des « modes de production et de circulation des biens de subsistance et des richesses », et particulièrement celle des « rapports sociaux de production » au sein de sociétés sans marché nommées « sociétés pré-capitalistes ».

Lorsque Godelier commence sa collaboration avec Lévi-Strauss, il s’oppose aux marxistes en soutenant que les rapports entre infrastructure et superstructure sont des rapports entre des fonctions et non entre des institutions.

Ses recherches le conduisent, dans le domaine de l’anthropologie économique et sur la base de ses enquêtes de terrain, à publier L’Énigme du don dans lequel il montre qu’à côté des objets que l’on vend ou que l’on donne, il en existe d’autres qui sont « inaliénables et inaliénés », qu’il faut conserver pour les transmettre.

Sur les conseils de Lévi-Strauss, il part en octobre 1966, chez les Baruya, un groupe de 1 600 personnes vivant dans des hautes vallées du centre de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il rencontre ainsi une société contemporaine sans État, sans classe.

Sa première mission dure trois ans. Il retourne régulièrement sur le terrain de 1969 à 1988 où il conduit « 8 grandes enquêtes systématiques », affirmant une conception du travail de terrain de longue durée. Suite à ces enquêtes terrain, il publie notamment La Production des Grands Hommes (1982), ouvrage devenu un classique de l’anthropologie.

En 1971, Godelier est nommé professeur à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), chaire d’Anthropologie économique. Et en 1975, il est nommé directeur d'études à EHESS. En 1995, il crée à Marseille le Centre de recherche et documentation sur l'Océanie (CREDO), dédié aux sociétés du Pacifique, qu'il dirige.

Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, il est impliqué dans la politique scientifique de l’État. En 1981, Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Recherche, le charge d’une mission sur l’état des sciences de l’homme et de la société en France. Godelier propose et réalise la création au CNRS d’un seul département fusionnant les sciences humaines et les sciences sociales, qui devient le troisième en taille, qu’il dirige de 1982 à 1986.

Plus tard, dans le débat qui portait sur l’avenir du Musée de l’Homme et du Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie, il soutient le projet de fusion des collections, considérant que le Musée de l’Homme devait être repensé. En novembre 1997, les ministres Claude Allègre et Catherine Trautmann le nomment « Directeur du projet scientifique » du Musée du quai Branly. Il souhaite « un musée post-colonial », avec histoire et contextualisation des objets exposés considérés comme des « ambassadeurs des cultures », et non réduits à être porteurs d’une « émotion esthétique ». C’est cette dernière orientation qui est prise par le Musée des Arts premiers.

En 2004, la publication de Métamorphoses de la Parenté, vaste entreprise de comparaison de plus d’une centaine de systèmes de parenté de diverses sociétés, est l’occasion, en partant des situations actuelles (couples homosexuels, parentalité, procréation assistée, etc.), de récuser la thèse fondamentale de Lévi-Strauss pour qui la parenté repose sur l’échange des femmes.

Aujourd’hui profondément critique envers le structuralisme et le marxisme, qui « ne sont plus les paradigmes dominants » et qui font « disparaître de l’analyse scientifique les individus et leurs actions », il s’inscrit dans une critique de l’intérieur le marxisme et le structuralisme.

En 1990, Maurice Godelier reçoit le prix international Alexander von Humboldt pour les sciences sociales.

En lui décernant en 2001 la médaille d’or de la Recherche française, qu’avait reçue Lévi-Strauss en 1967, le CNRS lui attribue la plus haute distinction scientifique française pour couronner l’ensemble de son œuvre.

Marié une première fois à Cambrai en juillet 1954, il divorce en 1987 et se remarie à Paris, avec Nicolitsa Matha Dematha.

 

Sources

Maurice Godelier – Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Jean-Yves Boursier

Maurice Godelier – Wikipédia

Publications

Les structures de la méthode du Capital (I, II, III) dans la revue du PCF, Économie et politique, 1960-1961,

La notion de « mode de production asiatique » et les schémas marxistes d'évolution des sociétés, Centre d'études et de recherches marxistes, 1964,

Objets et méthodes de l’anthropologie économique, L’Homme, Vol. 5, ° 2, 1965,

Rationalité et irrationalité en économie, Paris, Maspero, 1966,

Horizon, trajets marxistes en anthropologie, Paris, Maspero, 1973,

Les rapports hommes-femmes : le problème de la domination masculine, in CERM, Éditions sociales, 1978

La production des grands hommes : pouvoir et domination masculine chez les Baruya de Nouvelle-Guinée, Paris, Fayard, 1982

L'idéel et le matériel : pensée, économies, sociétés, Paris, Fayard, 1984,

Transitions et subordinations au capitalisme, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme, 1991,

L'Énigme du don, Paris, Fayard, 1996,

La production des corps, Paris, Éditions des archives contemporaines, 1998,

Le corps humain : supplicié, possédé, cannibalisé, Paris, Éditions des archives contemporaines, 1998,

Métamorphoses de la parenté, Paris, Fayard, 2004,

Horizons anthropologiques, Paris, CNRS Éditions, 2009

Communauté, société, culture : trois clefs pour comprendre les identités en conflits, Paris, CNRS Éditions, 2009,

Les tribus dans l'histoire et face aux États, Paris, CNRS Éditions, 2010,

Sciences sociales et anthropologie, Paris, CNRS Éditions, 2011,

Lévi-Strauss, Paris, Le Seuil, 2013,

L'imaginé, l'imaginaire et le symbolique, Paris, CNRS Éditions, 2015,

Suivre Jésus et faire du business. Une petite société tribale dans la mondialisation, Paris, Thierry Marchaisse, 2017.

Liens

Revue Période – Horizons marxistes en anthropologie : entretien avec Maurice Godelier

Honneurs

Prix Gay-Lussac Humboldt (1989)

Médaille d'or du CNRS (2001)