Pierre Juquin (né à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) le 22 février 1930), fils d’un dessinateur à la SNCF, sympathisant du PSU, fait ses études secondaires au lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand.
Professeur, Membre du BP Exclu en 1987 |
Son grand-père paternel est mineur puis manœuvre chez Michelin et son grand père maternel est tapissier.
En 1947, il est admis en hypokhâgne au lycée Henri-IV de Paris. En 1949, il entre à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm (ENS) où il choisit l’option allemand, obtenant sa licence en 1953. Par la suite, il séjourne 1952 et 1955, en Allemagne à plusieurs reprises pour de longues périodes, comme boursier, à Munich et à Cologne,
Il est en 1951-1952, le secrétaire adjoint de la section de l’ENS du Syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES).
Juquin fait son service militaire, en 1956 - 1958, dans l’infanterie en Allemagne et à Billom (Puy-de-Dôme), et finit avec le grade de sergent.
À partir de 1958, il est professeur agrégé d’allemand de 1959 à 1966, aux lycées Jean-Baptiste Say à Paris, Marcel Roby à Saint-Germain-en-Laye, puis Lakanal à Sceaux.
En 1953, Juquin adhère au PCF à l’ENS. En 1956, il est secrétaire de rédaction de la revue Triget organe du Mouvement pour la paix dans les universités.
Au son retour du service militaire, il devient membre du Comité et du Bureau de la section du XIVe arrondissement et entre au Comité fédéral en 1959. Il est membre des comités de rédaction de La Nouvelle Critique et de L’École et la Nation, en 1961. Il collabore avec la section de politique extérieure du Comité central, chargé de suivre la situation en Allemagne de l’Ouest. Il publie de nombreux articles dans la presse communiste.
Nommé au lycée Lakanal, Juquin est muté dans la fédération Seine-Sud du PCF et devient membre du Comité de la fédération de Seine-Sud de 1962 à 1965. Par la suite, il devient membre du Comité fédéral de Seine-et-Oise-Sud.
En mai 1964, au XVIIe Congrès, il est élu membre suppléant du Comité central et devient membre titulaire en janvier 1967. Il est responsable de la commission de l’enseignement pendant dix ans. Il est le principal responsable du programme du PCF pour l’enseignement en France dont une première version parut au début de 1967 sous le titre Propositions pour une réforme démocratique de l’enseignement.
Les 11-13 mars 1966, lors des débats du Comité central d’Argenteuil, tout en prenant position en faveur de la libéralisation culturelle, Juquin critique le pluralisme philosophique de Roger Garaudy et les positions de Louis Althusser.
Pendant le mouvement de mai-juin 1968, Juquin est contraint à renoncer à intervenir à l’Université de Nanterre face à la contestation gauchiste.
Avec la répression du Printemps de Prague, il est aux côtés Waldeck Rochet dans le refus des positions pro-soviétiques de certains membres du Bureau politique, en particulier de Jeannette Vermeersch.
Candidat en 1967 à Longjumeau (Essonne), il obtient 29 012 voix, progressant de plus de 8 000 voix, et bénéficiant du désistement du candidat de la FGDS, il bat largement le candidat de droite. Mais il perd son siège en 1968. Il le regagne en 1973 et le conserve en 1978. Il perd son siège en 1981 au bénéfice du candidat socialiste Claude Germon pour lequel il se désiste pour le deuxième tour.
Après la signature du Programme commun de gouvernement en juin 1972, aux côtés de Jean Kanapa et Charles Fiterman, Pierre Juquin devient un des principaux inspirateurs de la politique du PCF, participant à de nombreuses réunions avec les socialistes. Jusqu’à l’élection présidentielle de 1974, il est un défenseur convaincu de l’alliance avec le Parti socialiste et essaie de favoriser la transformation du PCF de parti d’opposition représentant les intérêts de la classe ouvrière, en parti capable d’assumer les responsabilités du gouvernement et d’interpréter aussi les revendications des classes moyennes.
Dans la deuxième moitié des années 1970, Juquin essaie d’introduire dans le discours du parti des thèmes d’écologie et aussi quelques références à l’autogestion.
En 1976, il est nommé responsable de la section Cadre de vie-consommation du Comité central qu’il a contribué à créer. Cette année-là, lors d’une élection complémentaire en Indre-et-Loire, il convainc Vincent Labeyrie d’afficher au grand jour les revendications écologiques dans sa campagne, option matérialisée par le remplacement de la faucille et du marteau par un point vert. Georges Marchais cautionne ce choix lors d’un meeting à Tours mais des contestations s’élèvent dans le PCF. Aussi, le Bureau politique, le 15 novembre 1976, décide de retirer à Juquin sa responsabilité pour la confier à Mireille Bertrand et de l’affecter à la section de la propagande, comme adjoint de René Piquet et responsable du bureau de presse.
Avec Jean Kanapa, il est un des membres de la direction du PCF qui soutiennent l’eurocommunisme et la prise de distance du parti français vis-à-vis de l’Union Soviétique.
Juquin représente le PCF dans des initiatives en faveur des intellectuels dissidents soviétiques.
Il participe, le 21 octobre 1976, à la réunion à la Mutualité organisée par le Comité des mathématiciens (animé par notamment par Henri Cartan, Laurent Schwartz et Michel Broué) qui obtient avec l’aide de la Fédération de l’Education nationale, la libération du mathématicien dissident soviétique Leonid Plioutch. Le matin de la réunion, le Bureau politique donne son accord au texte de son intervention et lui demande de serrer la main de Plioutch, geste qui symbolise un désaccord avec l’attitude du gouvernement soviétique vis-à-vis des intellectuels contestataires. La lecture du texte par Juquin (qui est accompagné par Jean Ellenstein) se fait au milieu d’un fort tumulte.
Le 18 mai 1977, le Bureau politique du PCF désigne cinq dirigeants, dont Juquin pour négocier avec les socialistes et les radicaux de gauche l’actualisation du Programme commun de gouvernement.
Après la rupture de l’Union de la gauche, Juquin toujours chargé d’animer l’activité de propagande, est contraint en 1978, d’annuler la diffusion d’une brochure électorale, Vivre, affirmant que le PCF était favorable aux droits de l’Homme dans le monde et contenant notamment la photo de sa poignée de main avec Plioutch, en 1976.
Au XXIIIe Congrès en 1979, Juquin devient membre suppléant du Bureau politique, avant d’être nommé titulaire au Congrès suivant de 1982. Entre 1979 et 1982, il dirige, d’abord comme co-responsable avec Charles Fiterman, puis responsable en titre, la section de propagande et le bureau de presse, englobant la communication et l’information. Il donne une image moderne tout en défendant le parti des accusations d’un retour à l’orthodoxie ouvriériste et prosoviétique.
Lors de l’élection de François Mitterrand en mai 1981, au cours du grand rassemblement de la Bastille dès la proclamation des résultats, Juquin prend la parole au nom du PCF pour exalter les perspectives ouvertes par la victoire de la gauche. Après la formation du gouvernement, Juquin négocie avec les ministères pour obtenir l’entrée dans les médias nationaux de journalistes et cinéastes communistes.
Sa position de dirigeant d’origine intellectuelle contribue à construire une image moderne et démocratique du PCF.
Le 19 juin 1984, Claude Properen présente le rapport sur les résultats des élections européennes au Bureau politique. Ce rapport critique n’est pas accepté par Georges Marchais et par une partie du Bureau politique. Insistant notamment sur la mauvaise image de l’URSS, Juquin approuve les critiques faites par Claude Poperen. Le secrétariat du parti exige une refonte du rapport, réécrit par Claude Poperen avec la collaboration de Pierre Juquin et de Philippe Herzog. Cette nouvelle mouture est considérée inacceptable lors d’une nouvelle réunion du BP. C’est la troisième version, rédigée cette fois avec Guy Hermier et Claude Llabrès, qui est finalement soumise au Comité Central des 26 et 27 juin.
Le 24 juin, lors d’une fête communiste à Limoges, il propose « d’opérer en nous-mêmes les changements qui s’imposent, sans tabou ». Le « camarade tabou », comme la plupart des dirigeants communistes le désignent.
Au XXVe Congrès (6-10 février 1985), Juquin intervient longuement et vote contre la résolution finale. Il n’est pas réélu au Bureau politique, mais reste membre du Comité central, ainsi que Félix Damette et Marcel Rigout, à la différence d’autres contestataires. Perdant la direction de la section propagande, il passe à celle de l’action pour la paix et le désarmement, «travail symbolique, sans moyens, la politique extérieure restant confiée à Maxime Gremetz».
En octobre 1985, il publie chez Grasset Autocritiques, où il propose une modernisation radicale du Parti et de la gauche : « Le socialisme sera autogestionnaire ou ne sera pas ». La modernisation qu’il souhaite pour le PCF est proche de celle qu’essaie d’accomplir le parti italien dans la même période. Il s’agit de tenter de le transformer en parti de la « gauche européenne », capable de porter les nouvelles aspirations écologistes et démocratiques de la société civile.
En 1986, Juquin signe pour la première fois, une pétition demandant la convocation d’un Congrès extraordinaire. IL se situe dans le courant dit «rénovateurs».
Le 14 janvier 1987, Georges Marchais au 20 heures d’Antenne 2, déclare : «Rénovateurs, non, liquidateurs, oui»
Le 31 janvier 1987, un groupe de Rénovateurs est constitué à l’initiative de Juquin : le Comité de coordination des rénovateurs communistes, baptisé Cocoreco. Ce Comité trouve des appuis dans une quinzaine de fédérations départementales. Fin janvier, 30 fédérations sont représentées au Cicoreco : Michel Cardoze, Gilbert Wassermann, Jacques Bidou, animent les travaux du Comité.
Au printemps de 1987, une partie de ces Rénovateurs proposent la candidature de Juquin à l’élection présidentielle de l’année suivante. Il démissionne du Comité central le 24 juin 1987 en déclarant vouloir travailler pour la naissance d’un mouvement qui devait aboutir à une candidature capable de rassembler ceux qui, à gauche, ne se reconnaissaient ni dans le PCF ni dans le PS.
Quand, le 12 octobre, il annonce publiquement sa candidature, il est exclu du PCF lors de la réunion du Comité central, le 14 octobre. Le communiqué indique les raisons suivantes : «Refus de s’inscrire dans l’élaboration démocratique de la politique du PCF, participation active à une organisation fractionnelle destinée à la combattre, candidat à l’élection présidentielle, Pierre Juquin n’a plus rien à voir avec le PCF .» Seul, Félix Damette refuse de prendre part au vote. Un tract explicatif est tiré.
Aux élections présidentielles de 1988, soutenu par une coalition composée d’anciens communistes, du Parti socialiste unifié, de la Ligue communiste révolutionnaire, de la Fédération pour la gauche alternative, Pierre Juquin obtint 2,1 % des suffrages. Après les élections présidentielles, il fonde la Nouvelle gauche pour le socialisme, l’écologie et l’autogestion qui, en 1989, devient l’organisation Alternative rouge et verte. En 1991, il adhère aux Verts puis s’en retire.
Ayant refusé la proposition socialiste de retrouver un siège de député, il préside en Auvergne le mouvement « Agir » créé par Martine Aubry, soutient la candidature de Lionel Jospin aux élections présidentielles de 1995 et celle de Robert Hue en 2002. En 2006, il soutient Laurent Fabius aux primaires du Parti socialiste puis refuse de soutenir Ségolène Royal aux élections présidentielles.
En 2012, il publie Aragon. Un destin français.
Pierre Juquin se marie avec Nicole Meunier, élève-professeur à l’ENS, militante de l’UEC et du PCF, professeur au lycée Edgar Quinet. Le couple a trois enfants puis divorce.
Pierre Juquin, se remarie en juin 1965.
Sources
Pierre Juquin – Dictionnaire biographique du monde ouvrier - Marco Di Maggio, Jacques Girault
Pierre Juquin - Wikipédia
De battre mon cœur n’a jamais cessé, L’Archipel, 2006
Responsabilités au PCF
Membre du Comité central du PCF : 1964-1987
Membre du Bureau politique : 1979-1985
Mandats électifs
Député communiste de l’Essonne : 1967-1968, 1973-1981
Publications
Le sens du réel - Un communisme pour notre temps, Grasset, 1971,
Propositions pour reconstruire l’école, Éditions Sociales, 1973,
Liberté, Grasset, 1975,
Le Grand Défi. Produire Français, Éditions Sociales, 1983,
Autocritiques, Grasset, 1985,
Fraternellement libre, Grasset, 1987,
Pour une alternative verte en Europe, La Découverte, 1990,
De battre mon cœur n’a jamais cessé, Éditions de l’Archipel, 2006,
C’était les Rouges, Éditions Scali, 2007,
Aragon. Un destin français, Éditions de la Martinière, 2012.