Fils d'un employé des chemins de fer PLM, deuxième d'une famille de neuf enfants, Jean Chaintron (né à Lyon (Rhône) le 28 août 1906, mort le 7 janvier 1989 à Paris) suit sa scolarité à Feyzin, où il réussit son certificat d'études primaires. Grâce à une bourse obtenue à l'initiative de son instituteur, il suit durant trois ans les cours de la section de mécanique de l'école pratique de Vienne (Isère), couronnés par le certificat d'études pratiques industrielles.
Sénateur Exclu en 1962 |
En 1922, il est engagé comme ajusteur puis dessinateur technique aux établissements Maréchal, à Vénissieux. Mobilisé pour son service militaire au 35è régiment d'aviation à Bron, Jean Chaintron fait la connaissance d’un jeune intellectuel qui l’initie au communisme dont il devint sympathisant. Il ne fait qu’une année de service en raison d’une dispense comme aîné de famille nombreuse.
De retour à la vie civile, il entre aux établissements Berliet et milite au sein de l'Union des syndicats de techniciens (UST). Il est délégué de la région lyonnaise au congrès national de l'Union de syndicats de techniciens réuni à Lille en 1929. Elu à la direction syndicale pour la région lyonnaise, il prend le pseudonyme de Barthel, afin d’éviter la répression patronale (il conserve ce pseudonyme jusqu’en 1940). Il adhère en 1930, au Secours rouge international (SRI) et au Parti communiste à la fin 1931, au retour d’un voyage de trois mois en URSS avec une délégation du SRI.
Chaintron est appelé par la direction du SRI et devient un « permanent » appointé, un membre de son Comité central puis de son secrétariat et le directeur de son hebdomadaire La Défense (1932-1934).
En février 1934, il part en Indochine avec Gabriel Péri pour soutenir des communistes indochinois condamnés à la peine de mort, à la suite de la révolte de Yen Bay.
Après ce voyage qui dure trois mois, Chaintron suit un stage de formation rapide de cadres du PCF. Deux mois plus tard, en juin 1934, il est promu secrétaire de la région Paris-Ville du Parti. Il est désigné pour représenter le PC aux municipales de 1935, dans le quartier de Charonne, mais n’est pas élu.
De 1935 à 1937, il est envoyé comme instructeur du Comité Central du PCF auprès des communistes algériens, pour les aider à constituer un Parti indépendant. Ses efforts sont récompensés avec la réunion à Alger, en octobre 1936, du congrès constitutif du Parti communiste algérien (avec 5 000 adhérents). Le journal d’Alger, La Dépêche algérienne, publie le 16 octobre 1935, « la circulaire Barthel », adressée aux organisations communistes d’Algérie. Il est écrit : « la nation française n’est pas la nation du peuple d’Algérie. C’est une nation étrangère au peuple d’Algérie, c’est la nation oppresseuse, c’est la nation de l’impérialisme qui, par le fer et par le feu, s’est annexé l’Algérie et qui courbe sous l’esclavage la nation algérienne ». Ce qui lui vaut d'être condamné par le tribunal correctionnel d'Alger à un an de prison. Il fait appel de la décision de justice ce qui lui permet d'échapper à l'incarcération immédiate. Il se présente aux législatives de 1936, dans la première circonscription d'Alger (mais il n’est pas élu). C’est en situation de liberté provisoire, en attendant le jugement définitif, qu’il participe au congrès de création du Parti communiste algérien (qui l’élit à son secrétariat central).
En novembre 1936, ayant épuisé tous les recours de procédure et afin d’éviter le mandat d’arrêt lancé contre lui, la direction du PCF lui ordonne de regagner la France pour y vivre dans l’illégalité
En février 1937, Chaintron part comme volontaire dans les Brigades internationales en Espagne où son frère, Simon, est mort au combat. Il est nommé commissaire de guerre à l’état-major de la 15e Brigade sur les fronts de Madrid. Rapatrié sanitaire en France en novembre 1937, il est élu au congrès d’Arles du PCF, membre suppléant du Comité central. Toujours sous menace d’arrestation pour ses condamnations en Algérie, il est en 1938-1939, instructeur clandestin auprès des directions nationales des Mouvements de Jeunesses communistes, à Paris.
Mobilisé comme simple soldat en septembre 1939, il combat en Belgique, puis gagne l'Angleterre lors de l'exode de Dunkerque, avant de rejoindre, avec son unité, Brest, puis Toulouse. Démobilisé après l'armistice, il entreprend de réorganiser le Parti communiste, désormais clandestin, au sein de la zone non occupée. Il est avec F. Cadras et V. Michaut, membre de la Direction du Parti pour la zone non occupée, dont le siège est à Lyon.
Arrêté par la police de Vichy en mars 1941, il est condamné à mort par le tribunal militaire de Montluc, peine qui est commuée en travaux forcés à perpétuité à la suite d'une intervention du Cardinal Gerlier. Il est alors transféré à la prison de Nontron, en Dordogne, où il est détenu jusqu'en juin 1944. Libéré le 10 juin 1944, avec une vingtaine de ses camarades, par une attaque de maquisards, il s'engage dans la résistance armée sous le nom de « Commandant Jean-François » et combat en Dordogne, dans la Creuse et en Haute-Vienne. Il prend part à la libération de Limoges, le 23 août 1944. Son action est distinguée par la médaille de la Résistance, la Croix de guerre, et la Légion d'honneur.
Dès le mois de septembre 1944, il est nommé préfet de la Haute-Vienne par le gouvernement du Général de Gaulle, jusqu'en février 1947, date à laquelle il est démis de ses fonctions et devient directeur du cabinet ministériel de Maurice Thorez.
Par la suite, il anime les écoles de cadres du Parti.
Il est élu au Sénat (Conseil de la République) en novembre 1948, et siège à la Commission de l'intérieur, puis à celle du suffrage universel. Il est réélu sénateur de la Seine le 18 mai 1952.
En 1950, il n’est pas réélu membre du Comité Central (ainsi qu’une trentaine d’autres militants).
De 1951 à 1954, tout en continuant à remplir son mandat de sénateur, il dirige les services de propagande du Conseil mondial de la Paix et, à ce titre, fait de nombreux voyages : Tchécoslovaquie, Pologne, Hongrie, Allemagne de l’Est, Suède, Suisse, Norvège. Durant toutes ces années, il est ainsi qu’il écrit dans Unir-Débat du 10 juin 1968 « stalinien convaincu, ardent, discipliné et, partant, un adepte de Thorez, sinon un courtisan. » Il avait dénoncé les condamnés des procès et « la misérable clique de Tito » en même temps qu’il assure en 1949 le secrétariat du Comité de patronage de l’exposition en l’honneur du 70e anniversaire de Joseph Staline. Il remplace A. Marty à la présidence de l’Amicale des anciens volontaires en Espagne républicaine (AVER).
Après la publication du rapport Khrouchtchev, en 1956, il est l'un des communistes à réclamer un examen critique de la période stalinienne. Il est interdit de toute responsabilité dans le parti puis, et en 1958 blâmé pour avoir réclamé dans les assemblées intérieures la répudiation du stalinisme dénoncée par Khrouchtchev deux années plus tôt, au XXe congrès du PC de l’URSS. Il ne figure plus sur la liste communiste aux élections sénatoriales du 8 juin 1958.
Il est finalement exclu du Parti le 16 février 1962 pour avoir pris prétexte « du culte de la personnalité pour attaquer la direction du Parti et principalement Maurice Thorez ».
Il se reconvertit alors professionnellement dans un emploi de directeur technique du service d’édition de cours et thèses appartenant à l’Association générale des Etudiants en médecine de Paris
Pendant une douzaine d’années, Chaintron consacre ses activités militantes au mouvement «Unir» et au bulletin mensuel Débat communiste pour la rénovation et la démocratisation du Parti communiste français.
Il adhère au PSU (Parti socialiste unifié) en 1967 et n’y reste qu’une année.
En 1970, il est, avec Tillon et Sartre, un des initiateurs du nouveau Secours Rouge contre la répression en France et du Comité dit du « 5 Janvier » pour la solidarité avec le mouvement populaire tchécoslovaque victime de l’invasion soviétique.
Il prend sa retraite en 1974.
En 1932, il épouse Maya Malamant, juive roumaine née le 3 septembre 1904 qui a été emprisonnée en Belgique pour son action révolutionnaire et qui, réfugiée politique en France, travaille comme laborantine bactériologiste. Elle est morte déportée à Auschwitz.
Le 22 janvier 1949, il se remarie à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) avec une militante de l’Union des Femmes françaises, Jeanine Fritsch, née le 26 septembre 1919 à Paris, divorcée de Louis Saillant (président de la FSM, Fédération syndicale mondiale). De ce mariage naquirent Nicole et Jean-François.
En 1989, Chaintron publie un livre de mémoires Le vent soufflait devant ma porte.